Page:Rosny - La Guerre du feu.djvu/202

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peine et frappa de biais. La massue de l’autre vint à sa rencontre ; les bois s’entrechoquèrent avec un long craquement. Alors Aghoo bondit vers la droite et revint sur le flanc du grand guerrier : il frappa le coup immense qui avait brisé des crânes d’hommes et des crânes de fauves. Il rencontra le vide, tandis que la massue de Naoh rabattait la sienne. Le choc fut si fort que Faouhm même eût chancelé : les pieds d’Aghoo tenaient à la terre comme des racines. Il put se rejeter en arrière.

Ainsi se retrouvèrent-ils face à face, sans blessure, comme s’ils n’avaient pas combattu. Mais, en eux, tout avait lutté ! Chacun connaissait mieux la créature formidable qu’était l’autre, chacun savait que, s’il faiblissait le temps de faire un geste, il entrerait dans la mort, une mort plus honteuse que celle donnée par le tigre, l’ours ou le lion ; car ils combattaient obscurément pour faire triompher, à travers les temps innombrables, une race qui naîtrait de Gammla.

Aghoo reprit le combat avec un hurlement rauque ; sa force entière passa dans son bras : il abattit sa massue sans feinte, résolu à broyer toute résistance. Naoh, reculant, opposa son arme. S’il détourna le coup, il ne put empêcher un nœud de faire à son épaule une large éraflure. Le sang jaillit, il rougit le bras du guerrier ; Aghoo, sûr de détruire cette fois encore une vie qu’il avait condamnée, releva sa massue ; elle retomba, épouvantable…

Le rival ne l’avait point attendue et l’élan fit pencher le fils de l’Aurochs. Poussant un cri sinistre, Naoh riposta : le crâne d’Aghoo retentit ainsi qu’un bloc de chêne, le corps velu chancela ; un autre coup l’abattit sur la terre.

— Tu n’auras pas Gammla ! gronda le vainqueur. Tu ne reverras ni la horde ni le marécage, et plus jamais tu ne réchaufferas ton corps auprès du Feu !