Page:Rosny - La Guerre du feu.djvu/64

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hommes ; et la destruction même, s’ils combattaient avec Naoh, semblait moins redoutable.

Le fils du Peuplier, plus prompt à s’exprimer, cria :

— Nam obéira jusqu’à la mort !

L’autre leva les deux bras :

— Gaw ne craint rien avec Naoh.

Le chef les regardait avec douceur ; ce fut comme si l’énergie du monde descendait dans leurs poitrines, avec des sensations innombrables, dont aucune ne rencontrait de mots pour s’exprimer, et, poussant le cri de guerre, Nam et Gaw brandissaient leurs haches.

Au bruit, les félins tressautèrent ; les nomades hurlèrent plus fort, en signe de défi ; les fauves expiraient des feulements de colère… Tout retomba dans le calme. La lumière tourna sur la forêt ; le sommeil des félins rassurait les bêtes agiles qui, furtivement, passaient le long de la rivière ; les vautours, à longs intervalles, happaient quelques lambeaux de chair ; la corolle des fleurs se haussait vers le soleil ; la vie s’exhalait si tenace et si innombrable qu’elle semblait devoir s’emparer du firmament.

Les trois hommes attendaient, avec la même patience que les bêtes. Nam et Gaw s’endormaient par intervalles. Naoh reprenait des projets fuyants et monotones comme des projets de mammouths, de loups ou de chiens. Ils avaient encore de la chair pour un repas, mais la soif commençait à les tourmenter : toutefois, elle ne deviendrait intolérable qu’après plusieurs jours.

Vers le crépuscule, le Lion Géant se dressa. Dardant un regard de feu sur les blocs erratiques, il s’assura de la présence des ennemis. Sans doute n’avait-il plus un souvenir exact des événements, mais son instinct de vengeance se rallumait et s’entretenait à l’odeur des Oulhamr ; il souffla de colère et fit sa ronde devant les interstices du refuge. Se souvenant enfin que le fort était inabordable