Page:Rosny - Variétés orientales, 1872.djvu/81

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poésies, il faut, peut-être plus que dans tout autre genre, éviter le superflu, en se pénétrant du précepte d’Horace :

………………Esto brevis, ut citò dicta
Percipiant animi dociles, teneantque fidèles :
Omne supervacuum pleno de pectore manat.

Loin de là, l’apologue, chez les Indiens, est un conte dans tout son développement, un long tissu d’aventures bizarres et merveilleuses qui doivent servir de preuves convaincantes aux affirmations des personnages de l’action. En lisant une fable de La Fontaine, par exemple, on est agréablement surpris par un dénoûment subit qui ne se fait jamais attendre, et l’on est tenté de regretter cette brièveté même qui est un des charmes innombrables des pièces du poëte français ; le moraliste indien, tout au contraire, dans ses apologues, vous conduit lentement, par les chemins sinueux d’un interminable labyrinthe, vers un but que la masse des détails a fait prévoir depuis longtemps.

De cette infériorité réelle de la fable indienne sur celle de l’Europe moderne, il ne faut cependant pas conclure qu’elle n’ait pas son genre de mérite. La longueur des apologues renfermés dans l’Hitopadésa se retrouve dans ceux que l’Angleterre doit à la plume d’Edward Moore, et qui, malgré ce défaut, sont encore lus avec plaisir par les compatriotes de l’auteur et même quelquefois par les littérateurs étrangers. Quant à la multiplicité d’action, elle constitue un trait caractéristique essentiellement propre au génie indien.