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APRÈS LE NAUFRAGE

Ensuite, il me donna de grossiers vêtements de rechange et se mit à cuire quelques poissons. Je fis là, avec ces poissons, des olives, du pain dur et une poignée de figues sèches, un repas magnifique, pendant lequel l’homme me raconta des histoires pleines de saveur, de réalisme et de malice méridionale. Après quoi, je lui exprimai une fois de plus ma reconnaissance et je me sentis saisir par une invincible torpeur.

« — Vous êtes mort de fatigue ! remarqua mon hôte. Il n’y a qu’une chose à faire, mettez-vous là et roupillez…

« Il n’y avait qu’à lui obéir. Je m’étendis sur un matelas de varech, je tombai dans un sommeil profond et qui, pourtant, fut interrompu par je ne sais quelle inquiétude du subconscient…

« Je n’ouvris pas tout de suite les yeux. Et, quand je les ouvris, ce ne fut qu’à peine. À travers mes cils, j’entrevis mon sauveur, près du feu. Il palpait mes vêtements, qui séchaient sur une corde… Tout à coup, je vis qu’il tenait mon porte-monnaie… Il l’examina, d’un air rêveur, et l’ayant ouvert, il eut un tressaillement. Puis, avec précaution, il tourna le visage de mon côté : j’avais fermé les yeux ; d’instinct, je respirais comme on respire pendant le sommeil… Alors, avec un soupir, il plongea ses gros doigts dans le porte-monnaie, qui était bourré, il en retira trois ou quatre pièces d’or et le remit en place…