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CONTES. — PREMIÈRE SÉRIE

Combien de temps restai-je là ? Peut-être dix minutes, peut-être une heure. Je n’avais plus aucun sens de la durée ; la joie abolissait l’ambiance.

Brusquement un cri traversa l’espace. C’était un cri sauvage, un cri d’excessive douleur ou d’extraordinaire épouvante. Il n’avait pour ainsi dire aucune individualité : je ne pus même me rendre compte si c’était un cri de jeune ou de vieux, un cri d’homme, de femme ou d’enfant. Je me levai d’un bond ; tremblant de tous mes membres, je courus au hasard. Un deuxième cri s’éleva. Il n’était plus impersonnel, il réalisait ce son complexe et si parfaitement individuel : une voix. Ce fut une horreur inexprimable : je reconnaissais Mariette…

Je reconnaissais Mariette comme si elle eût été tout près de moi, et je ne savais pas où courir. La clameur venait certainement du côté où le soleil descendait sur les ramures, mais elle venait de loin : j’ignorais s’il fallait aller devant moi ou bien diverger à droite ou à gauche. À tout hasard, je filai vers la lumière. Plusieurs minutes se passèrent ; je n’apercevais que la mousse, les feuilles mortes et les arbres. J’essayai, sans résultat, un crochet vers la gauche. Rien que la solitude,