Page:Rosny aîné - La Vague rouge.djvu/161

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— J’en ai, mais pas pour toi. Ceux qui ne sont pas contents iront se faire… confédérer ailleurs !


L’installation de Glachant fut faite en coup d’État. L’imprimeur agit en silence et avec roideur. Les ouvriers acceptèrent immédiatement la lutte. Ils nommèrent trois délégués qui devaient rappeler Boucharlat à l’ordre et le mettre en demeure de choisir entre eux et le nouveau venu.

Ces trois hommes se présentèrent à son bureau et le petit homme couturé porta la parole. Il fut net, poli et blessant :

— Pardon, excuse… Nous sommes obligés de venir vous rappeler que vous avez signé un contrat par lequel vous vous engagez à ne prendre que des ouvriers syndiqués. Le nouveau ne l’est pas. Qu’est-ce que vous comptez faire ? Nous ne demandons pas mieux que de nous entendre. Si le nouveau veut entrer au syndicat, qu’on le dise, et nous attendrons… S’il refuse, ça ne se passera pas comme ça !

Boucharlat écoutait en renversant la tête en arrière, un ricanement sec agitait ses lèvres, sa face bouillait :

— Qui de nous est maître ici ?

— Personne ! Vous êtes le propriétaire de cette imprimerie… vous exploitez notre travail, mais vous n’êtes pas notre maître.

— Qui vous paye ?

— Vous nous payez en argent, nous vous payons en travail.

— Sans argent, il n’y aurait pas de travail.

— Sans travail, vous n’auriez pas d’argent.

— Mais vous claqueriez de faim.

— Possible. Vous claqueriez de faim aussi si le boucher, le boulanger, l’épicier refusaient votre argent. Et tous les hommes claqueraient de faim si personne ne travaillait. Nous échangeons des va-