Page:Rosny aîné - La Vague rouge.djvu/208

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moins beaucoup moins répandues, ont présenté des symptômes manifestes d’usure et sont devenues une proie facile pour la tuberculose. Lorsque nous leur aurons donné de la lumière et de l’oxygène, lorsque nous les aurons délivrées du servage et du surmenage, leurs tares disparaîtront, la tuberculose cessera de les décimer ; elles souffriront moins parce que les occasions de souffrir auront diminué.

Christine se mit à rire :

— Nous tournons en rond. Vous en reviendrez toujours à votre idéal qui est, au fond, le bonheur obtenu par la décroissance des luttes, par le travail modéré, presque sans effort, et même agréable, par la quiétude enfin, c’est-à-dire par la limitation de l’énergie humaine. Et je vous répondrai toujours qu’un tel idéal ne pourrait se réaliser qu’au prix d’une stagnation suivie d’une décadence. Ce serait l’homme arrivé au bout de son rouleau et qui, à la manière des boutiquiers enrichis, se repose en attendant la mort. Sans doute bâillerait-il sans fin comme ces pauvres gens ! L’idée d’un tel avenir me lève le cœur. Mais je le crois impossible. L’activité humaine renversera fatalement toutes les règles de béatitude et toutes les lois de sommeil. Et cela, remarquons-le bien, en luttant pour conquérir de nouvelles jouissances. C’est ainsi que nous allons obtenir des villes incomparablement mieux aérées et éclairées, de bons logements, une bonne nourriture, de bons vêtements pour la grande majorité des hommes et, ce faisant, nous remédierons aux maux que nous avait apportés l’industrialisme. Mais de cet effort même naîtront de nouvelles formes de la lutte, de nouvelles formes du surmenage, de profondes et violentes souffrances. Toute la prévoyance des marchands de paradis sera débordée ; il faudra se remettre à découvrir des remèdes et à instaurer des hygiènes.