Page:Rosny aîné - La Vague rouge.djvu/249

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le terrassier dilatait ses pattes, il passa de côté, il tapa sur une omoplate. Ce faisant, il trébucha ; les serres de Bardoufle le happèrent.

— À la lutte ! À la lutte ! croassait le garçon boucher.

L’homme tondu accepta le corps à corps. Il cherchait une prise, tandis que les tenailles, infatigablement, l’attiraient. Un de ses bras roula autour du crâne de Bardoufle et souleva l’opaque mâchoire, mais la nuque du rouge aurait porté une muraille. L’homme tondu se sentit basculer. Il n’eut que le temps de lâcher la tête et de contrecarrer l’étreinte de son antagoniste. Et, pendant plusieurs minutes, ces musculatures maladroites craquèrent. Le jaune voltait, oscillait, tentait le coup d’Odysseus contre le Télamonien. Bardoufle, ses colonnes écartées, resserrait sa pression avec patience. Il ne comptait que sur sa force ; il savait que toute tactique tournerait contre lui. Des coups plurent sur ses épaules ; il abaissa sa face pour éviter qu’on ne lui pochât les yeux. Et il étreignait toujours ; il dépensait son énergie à la manière des presses hydrauliques, avec une lenteur invincible… Enfin, Bardoufle triompha : il tenait le torse du jaune, son regard de tapir reflétait une joie obscure, et inclinant sans hâte le vaincu, il le déposa sur le sol, il l’y appliqua, il l’y tassa. Alors, seulement, avec un balancement du torse, il grogna : « Hein ? Hein ? » Et il tendit à son adversaire une main pleine de bonhomie.


Interrompue par l’épisode, la bagarre reprenait. Les Six Hommes fondirent sur la cohorte jaune. Dutilleul croisa la canne avec Victorien Sambregoy ; le petit Taupin, faisant face au Déroulède, cherchait à lui planter un coup de crâne ; Varang élevait ses poings violets vers le géant Alfred ; Jacquin dit l’Homard opposait ses pinces écarlates à la canne de Télesphore Sambregoy, et Gourjat imita succes-