Page:Rosny aîné - La Vague rouge.djvu/257

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les promoteurs. Je devais savoir d’avance que la parole me serait coupée et qu’à des arguments logiques, on n’opposerait que des cris ou des actes de brutes. L’expérience me suffit ; elle me suffira jusqu’à la fin de mes jours. Je saurai désormais que toute séance contradictoire organisée par des révolutionnaires est un leurre et un piège, je me garderai d’y exposer ma dignité et j’engagerai les hommes raisonnables à n’y jamais mettre les pieds.

Cette déclaration, dont le ton de mépris s’était accru à chaque phrase, fit renaître les colères. Un long grondement parcourut les rangs rouges. Mais le regard de François se portait sur les meneurs — Alfred, Dutilleul, Pouraille, la Trompette de Jéricho — et la salle ne bougea guère. Isidore eut même l’idée de joindre des applaudissements ironiques aux applaudissements des Jaunes, un vent de jovialité souffla : on envoyait des baisers burlesques, on lançait des fleurs imaginaires ; le Paradis battit un ban et un camelot meugla, sur un air de cantique :

J’ai la jauniss’, j’ai la jauniss’ !
J’aime la galett’ et l’pain d’épice !
Je marche avec les proprios,
Je cir’ les bott’ et rince les pots !

Déjà Deslandes était sorti de la salle, emmenant Christine. Varang, le sculpteur Barrois, l’Homme tondu, les deux Sambregoy, le Déroulède lui faisaient une escorte militaire. Et un loustic jaune, juché sur un fauteuil, ripostait à la facétie rouge :

J’ai la rougeole, j’ai la rougeole ;
Ça m’ démange dans les guibolles,
Tant qu’à turbiner pour mon pain,
Zut ! y m’pousse un poil dans la main !