Page:Rosny aîné - La Vague rouge.djvu/327

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dirigent le syndicat. Ils disent que ce sont des fripouilles, et que fripouilles pour fripouilles, ils aiment autant les patrons. C’est de la couillonnade ! Si vous n’êtes pas contents de ceux qui mènent, prenez-en d’autres. Vous avez la force directe en mains, la force du nombre. Usez-en. Et si vous en usez, vous verrez, avant deux ou trois ans, le chemin que vous aurez parcouru. Aujourd’hui, que faites-vous ? Vous allez offrir votre « viande », vous prenez un paq qui vous sera payé une thune, alors que le patron touchera vingt-cinq francs sans en ficher une datte ! On dirait, ma parole, que vous êtes contents d’être des exploités. Votre devoir est de surveiller l’embauchage et de réclamer une augmentation de prix ; alors vous n’aurez plus besoin de vous voler l’ouvrage les uns aux autres pour gagner dix francs, dix francs, camarades, qui vont trop souvent chez le mastroquet et dont la ménagère ne voit que les morceaux… En période électorale, vous pourrez vous faire des journées énormes. À ce moment, les fous et les imbéciles jettent l’argent contre les murailles : les afficheurs obtiendront facilement triple paye. Et vous cesserez aussi d’être les victimes de l’assurance… Quand vous vous « cassez la gueule », quand vous perdez l’usage d’une, de deux ou de trois pattes, vous vous trouvez devant un juge de référé qui est à la solde des sociétés d’assurances et qui vous accorde invariablement le minimum. D’ailleurs, la plupart du temps, vous n’attendez pas le jugement. L’agent des compagnies vous guette. Il vous démontre que vous n’aurez presque rien, une pension insignifiante : ne vaut-il pas mieux recevoir tout de suite quatre ou cinq cents francs comptant ? L’ouvrier, qui n’a pas l’habitude de coucher sur les billets de banque, perd la tête à l’idée d’en avoir une demi-liasse. Il écoute, il se laisse convaincre, il transige… il est volé. Ou bien, lorsqu’il ne cède pas pour une somme fixe, on lui