Page:Rosny aîné - La Vague rouge.djvu/329

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pline, de discipline consentie d’un cœur chaud et fraternel, un peu plus de fierté et de dignité : il est grand temps que les afficheurs montrent qu’ils sont des hommes !

Les afficheurs firent entendre un vaste applaudissement. Une triple salve secouait au même instant la salle voisine, où les compagnons limonadiers tenaient une réunion menaçante. Et François alla se rasseoir amicalement parmi les blouses, tandis que le secrétaire expédiait en vitesse la lecture des demandes d’admission. Elles passèrent sans encombre, jusqu’à ce qu’on arrivât à la candidature du camarade Grenu. Alors, un homme dogue s’élança vers les tables :

— Grenu !… aboyait-il. Ah ! non, il est déjà secrétaire d’un autre syndicat.

— Je ne t’ai pas donné la parole, riposta le président. Donc, t’as pas la parole !

L’homme dogue roula ses yeux convexes où pétillait une fureur bon enfant :

— Je te dis que c’est de l’incompatibilité.

— Tu n’as pas la parole !

— Eh bien, je la demande.

— Alors, tu as la parole.

— Voyons ! reprit l’homme dogue, on était bien d’accord, pourtant, on avait dit qu’on n’admettrait plus de cumul. Est-ce qu’on l’avait dit ?

— C’est ça ! Pas de cumul. Si on commence avec du cumul, tout est fichu ! se lamenta un afficheur en pantalons larges comme des jupes.

— Pardon, y a pas de cumul !

— T’as pas la parole, toi !

— Si, si… À bas le cumul !

— Je demande la parole.

C’était le personnage formaliste. Il s’était avancé jusqu’auprès des tables ; il levait le doigt du geste de « celui qui enseigne et qui montre ».

— Nous sommes complètement sortis de l’ordre !