Page:Rosny aîné - La Vague rouge.djvu/387

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Bardoufle, d’instinct, se dressa sur ses fémurs :

— Et v’là Alfred le Rouge, continua le ferblantier, est-ce que je ne serais pas une fichue bête, si je me croyais aussi fort que lui ? C’est pour la force comme pour l’esprit. Bardoufle mangerait M. Rougemont, mais pour sûr, il ne se croit pas aussi intelligent que lui.

— Ni moi ni personne ! gronda caverneusement Bardoufle.

— C’est l’Homme ! appuya Dutilleul.

Les joues de Perregault flambèrent :

— Moi, je ne donne pas ma tête pour la sienne !

Un orgueil dur et sec éclatait dans toute sa structure ; il regardait avec mépris ces révolutionnaires, prêt à les lâcher au premier coup de chance.

— On sort du sujet, reprit Dutilleul. Sûrement qu’il y a des différences, mais qu’est-ce que ça prouve ? Bardoufle est plus fort que moi, mais je suis plus leste. Avec une bonne trique, je fais sa partie !

— Alors, t’es différent mais égal à Rougemont ? reprit malicieusement le ferblantier.

Cette question énervait Dutilleul, car il conciliait mal son admiration pour le meneur et sa thèse égalitaire.

— T’es un type dans le genre des taons ! riposta-t-il. Je ne refuse pas de te répondre, mais il faut d’abord rentrer dans le sujet. Il s’agit des inventions.

— Bon ! goguenarda le père Meulière… je vas y rentrer en plein. V’là par exemple le même Bardoufle, puis le garçon Béquillard et la mère Bihourd : tu crois qu’ils auraient pu inventer le téléphone ?

Le garçon Béquillard ne put s’empêcher de dire :

— Pourquoi pas ?

— Oui, pourquoi pas, fit Dutilleul, s’ils avaient été dans la partie ?