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Page:Rosny aîné - La Vague rouge.djvu/430

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mitrons abandonnaient la partie ; une grande incertitude divisait les mécaniciens ; les typographes manquaient de crânerie. Seuls les terrassiers gardaient leur allure résolue. Ils rôdaient autour des chantiers, par bandes imposantes, patrouillaient au long des faubourgs et se réunissaient fidèlement devant le zinc des mastroquets. Leur discipline était entrecoupée de bagarres.


Aux Terrains Vagues, Isidore Pouraille se livrait à des soulographies homériques. Trois fois, on dut le ramener à dos d’homme, et un soir, tombé dans le ruisseau, il ne réussit à rentrer qu’à quatre pattes. Aux Enfants de la Rochelle, les typographes et les terrassiers formaient une permanence. On y déplorait l’absence de Bardoufle, d’Alfred le Géant rouge, de Dutilleul, respectivement condamnés à quinze jours, trois semaines et un mois de prison. Ainsi qu’ils se figuraient, naguère, une vaste organisation de l’émeute, ainsi les révolutionnaires imaginaient maintenant une incomparable stratégie de la Grève. Quelques mouvements à Lyon, à Marseille et à Brest en apportèrent la preuve. La Grève allait faire tache d’huile ; elle se consoliderait d’abord à Paris et dans les centres, puis elle s’étendrait aux petites villes, aux bourgades, aux villages. La C. G. T. était en marche pour la Première Étape.

On se reprochait d’avoir exagéré les promesses de la Voix et mal interprété les harangues de François Rougemont. Ni l’un ni l’autre n’avaient promis une soudaine délivrance : hier comme aujourd’hui, ils ne préconisaient que l’action continue.


Rougemont avait assisté aux émeutes. Cette contagion chaotique, qu’il avait excitée selon sa mesure, il la partageait. Il la partageait avec toute espèce de restrictions mentales. En se blâmant de revenir