Page:Rosny aîné - La Vague rouge.djvu/431

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aux illusions des ancêtres, sa pensée flottait, comme une brindille, à la surface du « subconscient ». L’espérance illogique, l’appétit du cataclysme devinrent si vifs qu’il avait quitté les Terrains Vagues, redoutant de griser les pauvres gens par des promesses fabuleuses.

Au matin du 1er mai, il marcha vers la ville, ému comme un adolescent. Avec un mélange d’ennui et de dédain, il considérait les escouades de la préfecture, les dragons et les cuirassiers. Il niait leur puissance effective… Sous l’appareil martial, rien que le désordre et l’incurie ! Seule la routine qui a dicté le geste des ministres soude encore ces éléments discords. Que le peuple se lève, la routine est évanouie, la république radicale retourne à la poussière. Mais le peuple connaît-il cette faiblesse profonde ? L’armée où toute volonté agonise, où toute cohérence est rongée, ne la juge-t-il pas à l’apparence — aux uniformes, aux fusils, aux chevaux et aux canons ?

La ville était calme. Cependant, expert en psychologie populaire, François découvrait sur les visages une nervosité d’attente analogue à la sienne. Elle se décelait chez tels mastroquets des faubourgs Montmartre, Saint-Denis et Saint-Martin, où grouillait la multitude syndicale, elle devenait manifeste au Château-d’Eau et le long des profondes voies populaires qui montent du Temple à Belleville : là s’agitaient déjà des hordes que la police épiait et dont elle réglait l’écoulement. Devant la Bourse du travail, les attitudes étaient révolutionnaires. Comme un naïf artisan, François imagina que cette C. G. T., dont il connaissait pourtant les faiblesses, avait su organiser la révolte ; il entrevit un corps d’émeute orientant les masses. Obsédé, il se dirigea, par le canal Saint-Martin, vers la Grange-aux-Belles.

Parmi des décombres et des bâtisses ruineuses,