Page:Rosny aîné - La Vague rouge.djvu/492

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bénigne, dont la bouche, encombrée d’une chique de tabac, chevauchait à gauche.

— Pas cher, y a l’hôtel du Vert Chasseur, mais c’est toujours plein. Saye-vous, y sera mieux d’alleye au Petit Miroir, beaucoup comme vous êtes…

— Allons au Petit Miroir.

Le vieux enleva la mallette et dit avec bonhomie :

— Je peuye bien encore porteye deux ou trois valises, ça ne coûtera pas un cens de plus.

Du moment que ça n’augmentait pas la dépense, l’ébéniste tendit son baluchon.

— Passons devant une boîte aux lettres, fit Bouchut.

— Y en a une contre la station, remarqua le commissionnaire.

Le fossoyeur sortit les enveloppes de sa poche et les considéra avec tendresse. Il les glissa dans la boîte, méticuleusement, et cet acte simple prit une signification profonde. C’était du mystère pour le meunier, le geste décisif de la conspiration pour Antoine Fagot, de la vengeance pour Méchain, un défi aux bourgeois pour le mécanicien, une chose sinistre pour Torcol. Armand sentait fondre son cœur, et le petit Meulière tremblait.

— La corde est coupée ! s’écria Bouchut. Vive le genre humain !

L’hôtel du Petit Miroir dressa sa façade vert pâle. Une chambrière conduisit les jeunes hommes devant la patronne, femme au visage de cheval blanc qui offrit, à prix modeste, une chambre à un lit et quatre chambres à deux lits.


Au deuxième étage, Troublon et Torcol se détachèrent et furent dirigés à travers des corridors. Au troisième étage, le fossoyeur et le mécanicien se virent assigner une chambre près de l’escalier, tandis que Bossange et le petit Meulière étaient emmenés au fond d’un couloir étroit. Au quatrième,