Page:Rostand - Cyrano de Bergerac.djvu/119

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Cyrano.

Mon langage jamais jusqu’ici n’est sorti
De mon vrai cœur…

Roxane.

De mon vrai cœur…Pourquoi ?

Cyrano.

De mon vrai cœur…Pourquoi ?Parce que… jusqu’ici
Je parlais à travers…

Roxane.

Je parlais à travers…Quoi ?

Cyrano.

Je parlais à travers…Quoi ?…le vertige où tremble
Quiconque est sous vos yeux !… Mais ce soir, il me semble…
Que je vais vous parler pour la première fois !

Roxane.

C’est vrai que vous avez une toute autre voix.

Cyrano, se rapprochant avec fièvre.

Oui, tout autre, car dans la nuit qui me protège
J’ose être enfin moi-même, et j’ose…

(Il s’arrête et, avec égarement.)

J’ose être enfin moi-même, et j’ose…Où en étais-je ?
Je ne sais… tout ceci, — pardonnez mon émoi, —
C’est si délicieux… c’est si nouveau pour moi !

Roxane.

Si nouveau ?

Cyrano, bouleversé, et essayant toujours de rattraper ses mots.

Si nouveau ?Si nouveau… mais oui… d’être sincère :
La peur d’être raillé, toujours au cœur me serre…

Roxane.

Raillé de quoi ?

Cyrano.

Raillé de quoi ?Mais de… d’un élan !… Oui, mon cœur
Toujours, de mon esprit s’habille, par pudeur :
Je pars pour décrocher l’étoile, et je m’arrête
Par peur du ridicule, à cueillir la fleurette !