Page:Rostand - Cyrano de Bergerac.djvu/133

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De guiche, souriant malgré lui.

Le drôle est assez drôle !

Cyrano.

Le drôle est assez drôle !Ah ! vous riez ?

De guiche.

Le drôle est assez drôle !Ah ! vous riez ?Je ris,
Mais veux passer !

Cyrano, rayonnant.

Mais veux passer !C’est à Paris que je retombe !

(Tout à fait à son aise, riant, s’époussetant, saluant.)

J’arrive — excusez-moi ! — Par la dernière trombe.
Je suis un peu couvert d’éther. J’ai voyagé !
J’ai les yeux tout remplis de poudre d’astres. J’ai
Aux éperons, encor, quelques poils de planète !

(Cueillant quelque chose sur sa manche.)

Tenez, sur mon pourpoint, un cheveu de comète !…

(Il souffle comme pour le faire envoler.)

De guiche, hors de lui.

Monsieur !…

Cyrano, au moment où il va passer, tend sa jambe comme pour y montrer quelque chose et l’arrête.

Monsieur !…Dans mon mollet je rapporte une dent
De la Grande Ourse, — et comme, en frôlant le Trident,
Je voulais éviter une de ses trois lances,
Je suis aller tomber assis dans les Balances, —
Dont l’aiguille, à présent, là-haut, marque mon poids !

(Empêchant vivement De Guiche de passer et le prenant à un bouton du pourpoint.)

Si vous serriez mon nez, Monsieur, entre vos doigts,
Il jaillirait du lait !

De guiche.

Il jaillirait du lait !Hein ? du lait ?…

Cyrano.

Il jaillirait du lait !Hein ? du lait ?…De la Voie
Lactée !…

De guiche.

Lactée !…Oh ! par l’enfer !