Page:Rostand - Cyrano de Bergerac.djvu/162

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Le bret.

Cela dut être très difficile !…

Roxane.

Cela dut être très difficile !…Pas trop.
J’ai simplement passé dans mon carrosse, au trot.
Si quelque hidalgo montrait sa mine altière,
Je mettais mon plus beau sourire à la portière,
Et ces messieurs étant, n’en déplaise aux Français,
Les plus galantes gens du monde, -je passais !

Carbon.

Oui, c’est un passeport, certes que ce sourire !
Mais on a fréquemment dû vous sommer de dire
Où vous alliez ainsi, madame ?

Roxane.

Où vous alliez ainsi, madame ?Fréquemment.
Alors je répondais : « Je vais voir mon amant. »
— Aussitôt l’Espagnol à l’air le plus féroce
Refermait gravement la porte du carrosse,
D’un geste de la main à faire envie au Roi
Relevait les mousquets déjà pointés sur moi,
Et superbe de grâce, à la fois, et de morgue,
L’ergot tendu sous la dentelle en tuyau d’orgue,
Le feutre au vent pour que la plume palpitât,
S’inclinait en disant : « Passez, señorita ! »

Christian.

Mais, Roxane…

Roxane.

Mais, Roxane…J’ai dit : mon amant, oui… pardonne !
Tu comprends, si j’avais dit : mon mari, personne
Ne m’eût laissé passer !

Christian.

Ne m’eût laissé passer !Mais…

Roxane.

Ne m’eût laissé passer !Mais…Qu’avez-vous ?

De guiche.

Ne m’eût laissé passer !Mais…Qu’avez-vous ?Il faut
Vous en aller d’ici !