Page:Rostand - Discours de réception, 1903.djvu/22

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M. de Bornier que comme de discrètes autobiographies, et, sachant que le poète n’attachait d’importance qu’à son œuvre tragique, les accepter comme de légers albums de souvenirs qu’il nous donne à feuilleter pendant les entr’actes. Alors, on n’ose plus lui reprocher d’avoir joué, pour ne blesser aucune oreille, d’une flûte exagérément parthénienne, ni s’étonner que le fils d’un homme qui servit sous M. de Ségur ait composé des ouvrages un peu trop Rostopchine. On s’attendrit devant tant d’extraordinaire vertu ; ce qui, invention, eût fait sourire, souvenir, force l’admiration ; et le respect pour l’auteur s’augmente de tout ce qu’on ne trouve pas dans le livre. Heureux ceux qui, en racontant leur vie, peuvent écrire un roman de la bibliothèque Rose !

Rien de plus passionné, d’ailleurs, que ces honnêtetés. J’aperçois, dans cette jeunesse de M. de Bornier, beaucoup de vie de château, Une amazone de drap bleu, et pas mal de petites complications de cœur. C’est élégant comme du Pontmartin, mais chevaleresque comme du Walter Scott. Un soir, sur un perron, un soupir gonfle une écharpe ; on murmure avec regret : « C’est grand et c’est doux, le devoir ! »… et M. de Bornier part, emportant ces mots pour en faire toute son œuvre ! Il part, plus épris que jamais d’une gloire dont il s’était cru nonchalant. L’adroite châtelaine, non contente de l’avoir débarrassé d’un byronisme accidentel, et sentant que le travail lui semblerait une dérogeance tant qu’il serait trop satisfait de porter « d’azur à la barre d’argent », avait su l’arracher à des vanités de hobereau pour le livrer à des orgueils de poète. N’est-il pas noble que ce soit une marquise, et de la