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LE THÉÂTRE RUSSE. 41

sations scéniques dont une grande partie est fastidieuse, fatigante, et fait parfois ressembler le drame à une vague conférence parlée. Le public ne peut, en résumé, ni satisfaire ses besoins d’imagination visuelle, ni satisfaire sa curiosité et son imagination en ce qui concerne la psychologie. Il résulte de cette méthode qu’une pièce naturaliste est une série ininterrompue de petites scènes différentes minutieusement analysées, et que le spectateur ne peut que voir séparément. Le régisseur", s’intéressant aux frag- ments d’une pièce, cesse d’avoir en vue le vaste tableau que tous les fragments devraient constituer. Une scène « caractéristique » permet-elle à sa fantaisie de se donner libre cours, il la travaille, la soigne, si bien qu’elle rompra fatalement l’harmonie d’ensemble. Une chose encore, que l’on oublie souvent, est la cherté du temps sur la scène. Si un tableau, destiné, selon le plan de l’auteur, à ne donner qu’une image fugitive, reste trop longtemps sous les yeux du spectateur, il gâte l’effet de la scène suivante, laquelle était peut- être capitale. Le spectateur, fatigué d’avoir concentré son attention sur un fragment d’ordre secondaire, est lassé. Le tableau avait un cadre trop criard. M. Meyerkhold a rappelé dans une de ses très intéressantes études les railleries de la jeune école contre l’école réaliste réactionnaire. Ibsen devait, de l’avis des régisseurs, être expliqué au public ! Il fallait trouver le moyen d’animer n’importe comment des dialogues ennuyeux : par un repas, par la préparation d’un repas, ou l’arrangement d’une chambre ! « Dans Hedda Gabier, s’écrie l’un, pendant la conversation de Tessuman et de Tante Julie, on servait le déjeuner. J’ai bien retenu comment mangeait l’acteur personnifiant Tessuman, mais involontairement je n’ai pu entendre l’exposition de la pièce ».

« L OISEAU BLEU ». LE CHAT. REALISATION DU THEATRE D’ART.