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LES IDÉES DE M. ADOLPHE APPIA. 63

objets ; par Ja projection de combinaisons de couleurs ou d’images, elle arrive à créer sur la scène un « milieu ».

L’éclairage devient comme la palette du décorateur. Ainsi c’est par le rôle nouveau de la peinture et de l’éclairage qu’on transformera la conventionnelle mise en scène, qu’on réalisera toutes les conceptions dramatiques avec un matériel artistique.

Notre sentiment esthétique est encore positivement anesthésié en ce qui concerne la scène ; celui qui ne tolérerait pas dans son appartement un objet qui ne fût du goût le plus exquis, trouve naturel de louer une place coûteuse dans une salle déjà laide et construite à rebours du bon sens pour assister à un spectacle auprès duquel les chromolithographies d’un marchand forain sont des œuvres délicates. Le procédé de la mise en scène repose, comme d’autres procédés d’art, sur les formes, la lumière, la couleur : or, les trois éléments sont en notre puissance et nous pouvons par conséquent en disposer, au théâtre comme ailleurs, d’une façon qui soit artistique.

SUR LE 3ème ACTE DE « TRISTAN »

Le rôle de l’éclairage dans cet acte est clairement indiqué par le sujet. — Tant que la lumière n’est qu’un élément de souffrance pour Tristan, il ne doit pas en être importuné. Aussitôt qu’il peut en supporter l’éclat et faire disparaître les visions de l’âme, son visage doit en être inondé. — Voilà ce qui doit guider le metteur en scène. — Pour obtenir cet effet il faut limiter fortement la lumière, et laisser beaucoup de place à l’ombre. Comme un paravent abrite un malade, les murs de la forteresse ferment le côté gauche et le fond de la scène, et appuient légèrement vers la droite. — Les premières coulisses de droite représentent également l’autre bout du « paravent », de façon à faire croire au public qu’on en a enlevé une partie pour lui laisser voir ce qui se passe. Les deux bouts du « mur » laissent à découvert une large baie sur le ciel, et sont réunis sur le sol par un pan de maçonnerie.

On n’a à ajouter à cette construction indiquée à grands traits que les choses les plus indispensables pour cacher les découvertes et rendre naturelle l’ombre qui règne sur la scène. — Pour exalter le jeu de la lumière sur le sol il faut placer les praticables de la façon suivante :

Le pied de la forteresse à gauche de la scène est accompagné d’un mur d’appui qui lui donne de la réalité sans lui enlever sa simplicité. A partir de la base de ce mur d’appui, le sol descend en pente, se relève ensuite et forme les racines de l’arbre puissant sous