Page:Roucher - Les mois, poëme en douze chants, Tome I, 1779.djvu/160

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Et nous n’offrons jamais qu’une esquisse infidèle.
Eh bien ! Dussé je voir mes informes essais
Avorter en naissant et languir sans succès,
J’aurai goûté du moins cette ivresse touchante,
Que donne la nature au mortel qui la chante :
Ses jours coulent en paix sous un heureux destin.
Qu’il est doux en effet, au retour du matin,
Qu’il est doux d’égarer sa vue et sa pensée
Sur cette plaine, au loin d’un beau verd tapissée !
Que j’aime à contempler ces vallons, enrichis
De superbes moissons et de pommiers blanchis ;
Ces limpides étangs, la paix de leur rivage,
Ces jardins, ces forêts, cette chaîne sauvage
De rocs, qui l’un sur l’autre au hazard suspendus ;
Couronnent vingt hameaux à leurs piés étendus ?
Ici, dans sa beauté le printems se déploie ;
Ici, sur le gazon, je renaîs à la joie ;
Je suis heureux : un calme, aussi pur que les cieux ;
M’enlève dans l’extase, et m’approche des dieux.
À moi-même rendu, je vais jouir encore,