Page:Rouleau - Légendes canadiennes tome I, 1930.djvu/60

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« Trois longues heures s’écoulent, et rien ne vient troubler l’attitude ferme des deux sentinelles vigilantes, qui trinquent très souvent à notre santé en poussant de bruyants éclats de rire. Sur le coup de minuit, les Canadiens lèvent simultanément la vue vers le plafond ; ils ont entendu un bruit de chaînes assourdissant au-dessus de leur tête. Au bruit de chaînes succèdent des pas lents et cadencés. On dirait un prisonnier se promenant nonchalamment dans son étroite cellule. Les pas se dirigent vers l’escalier qui conduit au premier, faisant entendre un son semblable à celui que produiraient des ferrailles traînées sur un chemin rocailleux, et l’écho se répercute au loin dans la forêt. « Les gardiens de la citadelle, » comme dit la chanson, perdent de leur sang-froid et de leur fanfaronnade ; l’effet de l’alcool, qu’ils ont avalé à pleines rasades, a disparu ; la peur a chassé l’ivresse ; ils sont plus pâles que la mort. Mais, tout de même, ils ne bougent pas. C’est si beau que de gagner cent piastres, dans l’espace de sept à huit heures, à ne rien faire !

« Le revenant, — car c’en était certainement un, — descend l’escalier et s’approche lentement de l’endroit où se tiennent les deux Canadiens. Ceux-ci regardent dans la direction d’où part le bruit, mais ils ne voient rien. Leur peur augmente ; nous les voyons trembler comme des feuilles sèches au moindre souffle du vent. Tout à coup, celui qui se trouve à droite de la table se sent saisir aux épaules