Page:Rouleau - Légendes canadiennes tome II, 1930.djvu/83

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peur ! mais tu me connais, et tu sais bien que je ne crains pas plus le diable que les voleurs et les brigands passés, présents et futurs. Tu arrives fort à propos. Je m’aperçois que tu te prépares à fumer ; par conséquent, tu dois avoir des allumettes dans tes poches. Imagine-toi donc que je suis parti si pressé de la maison, que j’ai oublié de prendre mon « batte-feu ». Viens t’asseoir, et nous « tirerons une touche » ensemble.

« — C’est ce que je venais faire ; car, en vous apercevant, je me suis dit : je vais aller fumer la pipe avec le père Godin, et nous causerons en même temps des fameuses ruines qui sont là, à quelques pas de nous. »

« Un sourire effleura les lèvres du pêcheur ; et, tout en bourrant sa pipe de bon tabac canadien, le père Godin reprenait :

« — Pourtant, c’est un fait certain qu’on a entendu du bruit dans cette masure. »

« Je riais sous cape : mais le bon vieux s’en aperçut.

« — Tu ris ! Bigre, si tu avais été à ma place, un soir, tu n’aurais pas ri et tu ne rirais pas aujourd’hui ; car, sans mon scapulaire et ma petite médaille de la Vierge Marie, je ne serais pas où je suis maintenant. Tiens ! quand j’y pense, je tremble encore comme un peuplier agité par l’aquilon. »

« Et, de fait, j’entrevis la frayeur peinte sur le visage du père Godin, qui jetait des regards furtifs