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Mais leur ferveur première, avec le Moyen-Age,
Disparut sans retour, dans un vaste naufrage !
Et l’Europe, aujourd’hui, sent les commotions
Qui précèdent toujours la fin des nations ;
Les laves par torrents s’échappent du cratère ;
Et le trône, en tombant, brise le monastère !
Vers le sombre horizon, comme des flots, j’entends
Les bruits avant-coureurs des Empires croulants ;
Le Nord déchaînera ses hordes vengeresses :
Nous n’aurons jamais vu de si grandes détresses ! ! !
Les Révolutions grondent comme un volcan ;
Les flammes de l’Enfer minent le Vatican ;
L’Europe tout entière, en sa base ébranlée,
Dans la nuée en feu, voit l’ire amoncelée !
Pour disloquer l’Europe et chaque peuple uni,
Nous avons suscité le Ozar et Mazzini !…
Reste donc l’Amérique, altière et commerçante ;
L’Amérique nouvelle, affranchie et puissante,
Avec ses bois sans âge et ses États naissants,
Par des fleuves féconds sillonnés en tous sens :
Vers elle j’ai poussé des foyers de l’Europe
Tout farouche anarchiste et blême philanthrope ;
Et dans son jeune corps infiltrant des poisons,
Pour peupler ses cités, j’ai vidé les prisons !
Vers elle j’ai poussé des brumeuses contrées
Les nuages épais de sauvages athées ;
La Hollande, la Suisse et les États Germains,
Et la Scandinavie ont vu fuir leurs essaims !
De ce Monde Nouveau, j’ai détruit l’équilibre !
L’Amérique est à moi, l’esclave se croit libre !
Par moi la République, en ses progrès bruyants,
Vers la Démocratie entraîne tous les rangs ;
Et la Démocratie, à l’aveugle énergie,
Prend les élans fougueux de la Démagogie ! —
Qu’importe qu’un tyran se nomme peuple ou Czar,
Souverain collectif, dictateur ou César ;
Le peuple, en son pouvoir aveugle et tyrannique,
Impose un joug plus lourd que le despote unique ! —
Le monarque est un père auprès du peuple-roi,
Et le Czar moins tyran que la foule sans loi !
Le plus dur despotisme ou le joug le plus sombre
N’est pas celui d’un seul, mais celui du grand nombre :
Le Peuple règne ici : L’Amérique est à moi !
Du Peuple Souverain je suis le maître et roi ! —
Par la femme chez lui, pour agrandir mon culte,
J’évoquerai l’Esprit de la Science Occulte.
Depuis Eve, — à l’orgueil cédant si follement, —
Nous avons dans la femme un docile instrument ;
Facile à transformer en ange de lumière,
Du péché, dans le monde, elle ouvrit la carrière !