La prière des Saints, c’est l’appui de la terre ;
Des vengeances du ciel ; c’est le paratonnerre ! —
Et cependant, ô Christ, les hommes d’aujourd’hui,
Dans leur aveuglement, repoussent cet appui !
En arrachant la Croix du front de l’édifice,
Et des cœurs embrasés l’amour du sacrifice ;
En ôtant cet appui, les fils de Bélial
Voudraient faire crouler le temple social ! —
Ô monde, en ta faiblesse, un enfant te terrasse !
Ton pouvoir fascinant tombe devant la grâce !
Quand l’âme au saint amour a pu s’épanouir,
Avec tous tes faux biens tu ne peux l’éblouir :
Ton miel n’est que poison ; ton or n’est que poussière ;
Ton amour, qu’un élan de volupté grossière !
En soulevant ton voile, on aperçoit l’Enfer ;
Établi par Satan, ton règne est dans la chair :
Son esprit est le tien ; ses pompes sont tes pompes ;
En aveuglant le cœur, tu séduis et tu*trompes ;
Tout ce que ton orgueil appelle urbanité
N’est qu’un brillant dehors de ta perversité !
Ta fausse liberté n’est que vil esclavage,
Et ta froide vertu qu’un superbe étalage ;
Pour qui t’aime et te sert, qu’il est lourd ton fardeau !
Dans sa colère enfin, Dieu l’a dit : Vœ mundo !
Ah ! bienheureux cent fois, priant dans sa cellule,
Le Carme, le Chartreux ou l’humble Camaldule !
Debout, sur ce nouveau Carmel,
Où j’entends, — calme et solitaire, —
Les derniers discords de la terre,
Et les premiers concerts du ciel ;
Sur le haut de ce promontoire,
Sur cet imposant piédestal,
Où j’ai construit mon oratoire,
Près du nid d’un altier rival ;
Dans cette solitude austère :
Oui, je t’adresse ma prière,
Ô Dieu d’amour et de pardon ;
Je t’invoque, par le doux nom
Et de Jésus et de Marie ;
Je t’implore pour ma Patrie,
Pour l’Église et la Liberté !
Je te supplie, en ta bonté,
En ta sainte miséricorde,
D’apaiser l’esprit de discorde,
Et de rapprocher les partis,
Agitant les États-Unis ! —
Dans ma douleur, dans mes alarmes.
En répandant des flots de larmes,
Page:Rouquette - L'Antoniade, 1860.djvu/167
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
( 167 )