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INVOCATION
à
la muse chrétienne

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Et toi qui, par l’archange aidée en ton essor,
N’as jamais abaissé ton vol sur le Veau d’or ;
Ô toi, Muse chrétienne, et fille de Marie ;
Toi, qu’invoqua Milton sous le nom d’Uranie ;
Vierge sacerdotale, aux regards inspirés,
Qui dans le sein de Dieu puises tes chants sacrés ;
Ô gardienne du Beau, de quelque nom que l’homme
Autrefois t’ait nommée, ou de nos jours te nomme :
Tout atteste, ici-bas, que tu nous viens des cieux ;
Et l’homme, en t’implorant, te révère en tous lieux !
Sur ton front, où réside une pâleur sereine,
Reluit en nimbe d’or la clarté souveraine.
De ton voile abritant la femme et l’orphelin,
Et le Prêtre, humble et grave, en longs habits de lin,
Tu répands autour d’eux l’amour et la lumière,
Et de ton chaste esprit l’enseignement sévère. —
 Muse des anciens jours, dont l’esprit visita,
Dans le cloître ombragé, Richarde et Roswita ;
Toi, qui dictas des vers à Thérèse en extase ;
Toi, par qui le génie et s’épure et s’embrase, —
Affranchissant mon cœur de tout culte grossier, —
Tu peux le revêtir d’une armure d’acier :
Aujourd’hui, je t’invoque, ô Muse érémitique ;
Remplis mon cœur ému d’un souffle prophétique ;
Et qu’en tous mes accords, par toi-même dictés,
J’enseigne avec douceur d’austères vérités !
Conduis-moi loin du monde, au milieu des savanes >
Asile infréquenté du peuple des profanes,
Où l’âme, recueillie en son isolement,
Entend l’Esprit de Dieu parler plus clairement ;
Où, délivré du joug des intérêts vulgaires,
Du tumulte orageux des mondaines affaires,
L’homme, plus près du ciel, et plus loin du péril,
Dans le ravissement, semble oublier l’exil ! —