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antoine calybite.


Mais avant de partir, pour prendre un vol altier,
Revêts, athlète ardent, la cuirasse d’acier :
Le monde te prépare une lutte orageuse ;
Il te faudra subir sa parole outrageuse ;
Dans sa haine, animé par son maître, Satan,
De ton cœur héroïque il brisera l’élan ;
Pour te combattre, armé de l’acerbe ironie,
Aux transports de l’amour, à l’essor du génie,
Sa lèvre opposera le sourire glacé :
Que de fois, ô mon frère, il t’a déjà blessé !
Il t’appellera fou, rêveur et fanatique ;
Et trouvant dans la foule un écho sympathique,
Aux yeux des froids méchants il semblera vainqueur :
Mais Dieu sera pour toi, Dieu qui sonde ton cœur !
Contre un Dieu tout-puissant la lutte est inutile ;
Le désert, quand il veut, germe et devient fertile ;
Il rend fort le plus faible, et faible le plus fort ;
Le roseau qu’il soutient résiste à tout effort !
Ne démens pas l’esprit d’une royale race ;
Dans les choses de Dieu, porte une sainte audace ;
Ose tout entreprendre, en ton amour pour lui :
Ce qu’on a pu jadis, on le peut aujourd’hui !


le poète.


Pour combattre le monde et vaincre la nature,
Dans l’arsenal divin j’ai choisi mon armure !
Pour la gloire de Dieu, je suis prêt à souffrir ;
Dans mon cœur, j’ai prévu ce qui peut m’advenir :
Je suis prêt à souffrir, pour la cause bénie,
L’insulte, l’abandon, la faim, la calomnie ;
Je verrai contre moi lutter amis, parents,
Étrangers, bons, méchants, tièdes, indifférents,
Et le monde et l’enfer, unis pour me combattre ;
Mais, confiant en Dieu, sans me laisser abattre,
Pressé contre la Croix et regardant le ciel,
Je laisserai passer l’orage universel !
Pour m’abriter du choc des vagues en furie,
Dans le sombre péril, j’invoquerai Marie ;
Et dans la paix divine endormi par la foi,
Si le Christ est pour moi, qui sera contre moi ?


fin du second âge