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Car l’esprit étranger, cruel perturbateur,
De la guerre intestine est le premier fauteur ;
Du désordre toujours il s’est montré l’apôtre ;
Et traître à sa patrie, il trahira la nôtre !
Dans leur froid égoïsme et leur cupidité,
Bientôt les étrangers détruiront la Cité ;
De leurs vieux préjugés traînant le lourd bagage,
Il n’ont pour le pays qu’un insultant langage ;
Et trouvant parmi nous d’hospitaliers climats,
Pour les bienfaits reçus ils se montrent ingrats !
Rien ne leur plaît ici, rien ici ne les touche ;
Et leur langue flétrit chaque fleur qu’elle touche ! —
Leur pédante ignorance et leur fatuité
S’exhalent chaque jour en toute liberté ;
Ils fatiguent en vain leurs langues et leurs plumes
À vanter du Passé tous les us et coutumes,
Au milieu des progrès d’un peuple de géants,
Qui semble anéantir et l’espace et le temps,
Ils voudraient implanter leurs froides vieilleries ;
Et conserver l’esprit de leurs idolâtries.


 Foulant aux pieds tous droits, ô vieilles Nations,
Vous rejetez sur nous, dans vos convulsions,
Le rebut de vos fils, le poison de vos livres,
Tous ces impurs romans dont vos filles sont ivres !
Trop faibles, en ces temps, pour pouvoir les nourrir,
Pour pouvoir les garder, sans risquer de mourir,
Vous nous les rejetez, comme une sale écume,
Vous déchargez sur nous tout ce qui vous consume !
Mais, ils viennent, ces fils, pour creuser nos canaux,
Assainissant le sol par les plus durs travaux ;
Et les fléaux vengeurs les suivent dans leur fuite ;
La justice divine émigré à leur poursuite ;
Et pour les contenir, ces hordes d’immigrants,
Hélas ! nos hôpitaux ne sont pas assez grands !
Ô Nouvelle-Orléans, pâle et sinistre Reine,
Le front ceint de cyprès, sur un trône d’ébène,
Dans ta morne attitude au milieu des marais,
Où fermentent l’été des flots pestiférés,
Ton doigt, fixe et fatal, désigne à chaque bière
Le funèbre chemin qui mène au cimetière ! —
Ô Reine vengeresse, armée au nom de Dieu,
Tu répands des fléaux dans ton souffle de feu !
L’ignoble cargaison, par l’Europe envoyée,
Envahit tout-à-coup ton enceinte effrayée ;
Et tes oiseaux de proie, à chaque cargaison,
Prophètes de la mort, noircissent l’horizon ! —
Ô ma noble patrie, en ta grande jeunesse,
Pour adopter les fils d’une avare vieillesse,