Page:Rousseau - Œuvres de J B Rousseau, nouvelle édition, Tome I, 1820.djvu/424

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D’un ardente lionne elle prend l’apparence : [1]
Il s’émeut ; et, tandis qu’il songe à sa défense,
La Nymphe, en rugissant, se dérobe à ses yeux.
Où fuyez-vous, Déesse inexorable,
Cruel lion de carnage altéré ?
Que craignez-vous d’un amant misérable,
Que vos rigueurs ont déjà déchiré ?
Il ne craint point une mort rigoureuse ;
Il s’offre à vous sans armes, sans secours ;
Et votre fuite est pour lui plus affreuse
Que les lions, les tigres, et les ours.
Où fuyez-vous, Déessë inexorable,
Cruel lion de carnage altéré ?
Que craignez-vous d’un amant misérable,
Que vos rigueurs ont déjà déchiré ?

    Tu trompes ses regards sous vingt formes nouvelles : Oiseau, tu te débats ; il enchaîne tes ailes » Arbre, sous un tronc dur tu caches tes appas : Il s’attache à l’écorce, et te serre en ses bras » (Saint-Ange.)

  1. D’une ardente lionne elle prend l’apparence. Rousseau ne fait
    guère ici que traduire Ovide :
    Tertia fermafuit macidosæ tigridis : itta
    Territus Æcides a corpore brachia solvit,
    Enfin d’une tigresse, à la peau tavelée,
    Tu prends l’aspect affreux, tu rugis ; et Pelée
    S’épouvante, et te laisse échapper de ses bras.

    Mais ce qui n’est point dans Ovide, ce qui appartient en propre
    au poète françois, c’est le trait admirable qui termine le tableau :

    La Nymphe, en rugissant, se dérobe à ses yeux.