Page:Rousseau - Œuvres de J B Rousseau, nouvelle édition, Tome I, 1820.djvu/428

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Pleuroit sa funeste aventure.
Là, ses yeux errants sur les flots,
D’Ulysse fugitif sembloient suivre la trace.
Elle croit voir encor son volage liéros ;
Et, cette illusion soulageant sa disgrâce,
Elle le rappelle en ces mots,
Qu’interrompent cent fois ses pleurs et ses sanglots :

Cruel auteur des troubles de mon âme, [1]
Que la pitié retarde un peu tes pas :
Tourne un moment tes yeux sur ces climats ;
Et, si ce n’est pour partager ma flamme,
Reviens du moins pour hâter mon trépas.

Ce triste cœur, devenu ta victime,
Chérit encor l’amour qui l’a surpris ;
Amour fatal ! ta haine en est le prix :
Tant de tendresse, ô dieux ! est-elle un crime.,
Pour mériter de si cruels mépris ?

Cruel auteur des troubles de mon âme,
Que la pitié retarde un peu tes pas :
Tourne un moment tes yeux sur ces climats ;

    quelle énergie dans cette peinture ! c’est la Didon de Virgile : Coeptis immanibus effera. — Et pallida morte futura.

    Les traits défigurés, et le front sans couleur,
    Où déjà de la mort s’imprime la pâleur.
    (Delille.)

  1. Cruel auteur des troubles de mon âme, etc. Que voilà bien le langage
    simple et touchant de la véritable douleur !