Page:Rousseau - Œuvres et correspondance inédites éd. Streckeisen-Moultou.djvu/110

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là ? Les Corses, découragés, abandonnaient un travail qui n’était animé d’aucun espoir ; ils aimaient mieux ne rien faire que de se fatiguer à pure perte. La vie laborieuse et simple fit place à la paresse, au désœuvrement, à toute sorte de vices : le vol leur procurait l’argent dont ils avaient besoin pour payer leur taille, et qu’ils ne trouvaient point avec leurs denrées ; Ils quittaient leurs champs pour travailler sur les grands chemins.

Je ne vois nuls moyens plus prompts et plus sûrs, pour en venir là, que les deux suivants : c’est d’attacher, pour ainsi dire, les hommes à la terre, en tirant d’elle leurs distinctions et leurs droits, et l’autre d’affermir ce lien par celui de la famille, en la rendant nécessaire à l’État. J’ai pensé que dans cette vue, posant la loi fondamentale sur les distinctions tirées de la nature de la chose, on pouvait diviser toute la nation corse en trois classes, dont l’inégalité toujours personnelle pouvait être heureusement substituée à l’inégalité de race ou d’habitation qui résulte du système féodal municipal que nous abolissons. La première classe sera celle des citoyens ; la deuxième, celle des patriotes ; la troisième, celle des aspirants. Cette distinction par classe ne doit point se faire par un cens ou dénombrement au moment de l’institution, mais elle doit s’établir successivement d elle-même par le simple progrès du temps.

Le premier acte de l’établissement projeté doit être un serment solennel prêté par tous les Corses âgés de vingt ans et au-dessus, et tous ceux qui prêteront ce serment doivent être indirectement inscrits au nombre des citoyens. Il est bien juste que tous ces vaillants hommes, qui ont dé-