Page:Rousseau - Œuvres et correspondance inédites éd. Streckeisen-Moultou.djvu/221

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DE SPHÈRE. I9h

qui découvrit l'Amérique, on ne connaissait qu'un côté du globe, savoir celui que nous habitons. Chez les anciens, le vulgaire croyait que la terre était plate et que le soleil se couchait dans la mer, sans trop s’embarrasser de ce que devenait cet astre pendant la nuit, ni comment, s’étant couché d’un côté, il se levait de l'autre. Les gens plus éclairés n’avaient encore que des demi-connaissances. Ils concevaient à la vérité que le soleil tournait autour de la terre, et que la nuit, pour notre hémisphère, était le jour pour l’hémisphère opposé. Mais ils n’étaient pas venus cependant jusqu’à se figurer que la terre fut peuplée tout autour et qu’il y eût pour nous des antipodes, c’est-à-dire des gens, dans l’hémisphère opposé, qui eussent les pieds contre les nôtres, pour qui le soleil se levât quand il se couche pour nous et se couchât quand il se lève. Le premier qui osa avancer cette vérité fut excommunié par un pape. Aujourd’hui les Français, les Anglais, les Hollandais, ont des colonies aux antipodes, et leurs vaisseaux y vont et en reviennent tous les jours. Ainsi, c’est un fait bien certain que le globe de la terre est rond ou à peu près, et qu’il a partout des habitants, que le soleil éclaire successivement, en tournant autour d’elle, dans vingt-quatre heures, d’orient en occident.

Je dis que le soleil tourne autour de la terre pour me servir de l’expression vulgaire et m’ accommoder aux apparences, car il est reconnu que le soleil est fixe, que c’est le globe de la terre qui, tournant sur lui-même en vingt- quatre heures, présente successivement tous les points de son cercle au soleil (ce qui fait un jour ordinaire), et qui de plus faisant, tous les trois cent soixante-cinq jours un grand tour autour du soleil, marque à son retour au même