Page:Rousseau - Œuvres et correspondance inédites éd. Streckeisen-Moultou.djvu/262

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

256 FRAGMENTS

La nature sème toujours également^ mais nous ne re cueillons pas de même.

Il sera toujours grand et difficile de soumettre les plus chères affections de la nature à la patrie et à la vertu.

Après avoir absous ou refusé de condamner son fils,

comment Brutus eût-il jamais osé condamner un autre ci-

. toyen : « consul I lui eût dit ce criminel, ai-je fait pis

que de vendre ma patrie, et ne suis-je pas aussi votre

iils ? »

Qu’on me montre aujourd’hui un seul juge capable de sacrifier à la patrie et aux lois la vie de ses enfantsi Quel- ques femmes mourront pour cet honneur apparent qui consiste dans Topinion d’autrui, mais qu’on m’en montre une seule capable de mourir pour ce véritable honneur qui consiste dans la pureté des actions!

Un seul homme de probité est capable de tenir en res- pect toute la rue où il demeure ; le vice est toujours bon- teux de se démasquer aux yeux de la vertu.

L’âme s’échauffe, l’esprit s’élève en parlant de la vertu. Les plus pervers même en sentent parfois les divins trans- ports, et il n’y a point de si méchant homme qui n’ait senti dans son cœur quelques étincelles de ce feu céleste et qui n’ait été capable de sentiments et d’actions héroï- ques, du moins une fois dans sa vie.

Le raisonnement vulgaire qu’il ne faut pas cesser d’oc-