Page:Rousseau - Œuvres et correspondance inédites éd. Streckeisen-Moultou.djvu/296

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Le danger du fils ranima la mère et l'arracha de son lit, et cet événement, qui lui eût peut-être ôté la santé si elle l'avait eue, la lui rendit contre toute apparence, tant la nature a de ressources inconnues à l'art. Cette bonne femme soupçonna quelque chose d’extraordinaire dans la maladie de son fils ; ce sont, en pareil cas, des yeux bien pénétrants que ceux d’une mère. Elle s’aperçut avec effroi que la fatale drogue avait disparu. Pleine de trouble, elle questionne son fils, il balance ; elle le presse et, employant à propos c^s tendres caresses maternelles si puissantes sur les bons naturels, elle arrache enfin son secret, et il finit sa confession en lui déclarant qu’il ne pouvait aimer la vie que pour la passer avec Claire.

Les causes du mal une fois connues, il n’y avait plus de difficulté dans le choix des remèdes. La jeunesse et la vigueur du malade promettaient bien la prompte guérison du corps, mais la plaie de Fâme devait saigner longtemps.

Germon apprit avec surprise le secret de la maladie de son fils ; cependant son opiniâtreté naturelle balança longtemps l’effroi que lui causait une résolution désespérée. Il la regardait plutôt comme une simplicité de jeune homme que comme un excès d’amour, car les phénomènes de cette étrange passion sont des mystères inconcevables pour les cœurs qui ne sont pas faits pour la sentir. — Claire ne s’y trompa pas de même ; le secret avait transpiré ; quoique la bonne Germon fût mère, cela n’empêchait pas qu’elle ne fût femme, et l’on conçoit bien qu’en pareil cas, une amante inquiète n’est pas la dernière instruite des événements qui l’intéressent. Claire vola au chevet de Marcellin ; elle avait le bonheur de n’être pas esclave de ces ridicules bienséances qui font, des procédés des villes, un commerce