Page:Rousseau - Œuvres et correspondance inédites éd. Streckeisen-Moultou.djvu/367

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En suivant cette maxime, on peut dire que l’auteur de la brochure surpasse en savoir M. Rameau lui-même, et Rabelais en habileté, par le plus inintelligible galimatias qu’ait jamais produit tête mal conformée. On y avance pourtant par intervalles quelques questions intéressantes, telles par exemple que celle-ci : Si la mélodie naît de l’harmonie ; et cette autre : Si l’accompagnement doit représenter le corps sonore. Questions qui, mieux traitées, sembleraient annoncer des vues, et que j’aurai occasion d’examiner dans mon Dictionnaire de musique.

Ce qui doit justifier invinciblement M. Rameau d’avoir part au persiflage de cette brochure, où, pour le tourner en ridicule, on affecte de le faire incessamment louer par lui-même, c’est un ancien fait qu’on y cite sur mon opéra des Muses galantes et dont il est à croire qu’il se garderait de rappeler le souvenir. Je ne sais s’il est assez humble pour en parler lui-même ; ce que je sais, c’est que l’ouvrage et les témoins subsistent encore ; quant à moi, j’ai tout oublié.

En voilà trop sur des chansons, revenons à des choses plus sérieuses ; tant de querelles sans cesse renaissantes m’inspirèrent des réflexions qu’il eût été mieux de faire plus tôt, mais qui, quoique tardives, eurent enfin leur effet. Que voyais-je dans cette grêle d’écrits qu’on lançait chaque jour contre moi ? De continuelles invectives et des plaidoyers maladroits, où des gens de lettres soutenaient que les lettres sont l’appui de l’État, des musiciens français que rien n’est si beau que la musique française, des faiseurs d’opéras français que l’opéra français est le chef-d’œuvre de l’esprit humain, et où, sans pudeur et sans retenue, l’intérêt et l’animosité ne daignaient pas même emprunter le masque