Page:Rousseau - Œuvres et correspondance inédites éd. Streckeisen-Moultou.djvu/446

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420 LETTRES INÉDITES.

parliez avec horreur ; il me semblait difficile qu’un auteur parlât ainsi de son propre ouvrage. Ma persuasion Ait ébranlée, et, dans ce doute naissant, je pris le parti que Téquité me suggérait : je fis supprimer l’édition, dont, quoi que vous en disiez, il s* était débité jusque-là très-peu d’exemplaires. Je fis plus, j’écrivis en hâte à tous mes amis, et, les priant de répandre votre désaveu, je n’ajoutai rien qui laissât paraître l’opinion qui m’était restée.

Non content de cela, vous semblez exiger de ma part une déclaration précise que je ne dois et ne puis faire. Les deux lettres que vous m’avez écrites à cette fin ont si bien détruit l’effet de la première, que me voilà derechef très-persuadé que vous êtes l’auteur du libelle. Votre désaveu public, auquel vous donnez tant de poids, en a peu contre mes raisons, contre tant d^indices, et quiconque a pu publier sous l’anonyme une pareille pièce, a pu, quel qu’il soit, la désavouer. Je ne ferai donc pas la déclaration que vous demandez, parce que je ne veux pas mentir. Tout ce que je pourrai dire, et qui est déjà sous-entendu dans ma lettre au libraire, est qu’il serait possible que vous ne fussiez pas l’auteur de la pièce ; que quelqu’un qui n’est pas plus votre ami que le mien peut avoir pris votre masque ; mais qu’il est bien étrange que, dans une ville comme Genève, on ait pu vous jouer un pareil tour sous vos yeux, sans que vous sachiez à qui vous en prendre. Mais je ne puis faire une pareille déclaration sans ajouter sur quoi ma persua- sion se fonde, et peut-être mes raisons paraîtront-elles de quelque poids. Voilà, monsieur, tout ce que je puis dire ou plutôt répéter ; voyez si c’est là ce que vous voulez que je fasse.

Loin de chercher à vous trouver coupable, je désirerais