Page:Rousseau - Œuvres et correspondance inédites éd. Streckeisen-Moultou.djvu/448

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422 LETTRES INÉDITES.’

votre prison. La mienne dure depuis quatre mois et demi, sans que j*aie mis le pied dans la rue, si ce n’est la se- maine dernière que je sortis un moment pour aller voir un malade, visite dont je me suis fort mal trouvé.

Bien des remerciments à mesdemoiselles vos nièces de la réprimande que vous avez pris la peine de m’adresser de leur part. J’en ferai mon profit, je vous jure, et celui qui me verra reprendre la plume peut m* assommer tout à son aise sans que je m’avise de regimber. Je prendrai ce- pendant la liberté de leur dire que, loin de chercher la fumée, je voulais au contraire éviter le feu. Si, lorsque Ton tâche de Refendre son honneur, sa liberté, sa vie, elles appellent cela être philosophe, je suis philosophe, il est vrai, comme bien d’autres ; et vous-même, tout grave et posé que vous êtes, si vous sentiez les tisons d’aussi près, vous seriez peut-être aussi philosophe, c’est-à-dire aussi sémillant que vous me trouvez. Mais les dames mettent leur gloire à n’avoir pas grand’pitié des misérables ; faites pour nous tenir dans leurs fers, elles lancent des feux et des flammes, trouvent mauvais qu’on refuse d’être brûlé, n’approuvent pas que nous osions vouloir être libres, et quelque petite prise de corps ne leur parait pas valoir tant qu’on s’en défende.

Il n’y a pas un mot de vrai dans tout ce que vous a mar- qué M. Boucquet sur une prétendue édition de mon livre faite à Paris avec des cartons. Il ne s’y en débite point d’autre que la mienne, et il n’y a point d’autres cartons que ceux que j’ai fait faire moi-même à Amsterdam pour corriger de grosses fautes que je n’ai pu voir qu’après €oup ; ces cartons sont à tous les exemplaires sans excep- tion, et ceux qui se débitent à Paris sont exactement sem-