AU LETTRES INÉDITES.
XXXIII
À M. DE VAUTRAVERS.
Le If mars 1765.
Je ne comprends pas, monsieur, comment avait pu s’é- bruiter mon projet de me retirer à Bienne, puisqu’il est certain que je ne Fai communiqué qu’à vous seul. Ce n’est pas à dire que vous ayez eu tort d’en parler ; au contraire, il n’y avait nul autre moyen de vérifier si ce projet était praticable. Je suis fâché qu’il ne le soit pas à cause du bon voisinage * ; mais je suis peu curieux de profiter d’un asile qu’on ne m’accorde qu’en ce cas que je n’en aie pas besoin.
Cette difficulté, monsieur, ajoute un nouveau prix à l’offre obligeante que vous avez la bonté de me faire. Ce serait assurément un pis-aller bien agréable que de vivre auprès de vous, dans la petite république anglaise. Mais mon être infirme et mon humeur solitaire me rendent absolu- ment nécessaires mon petit ménage et mon petit chez moi. Toutefois je ne renonce pas à Tespoir de goûter quelque- fois la vie agréable qu’on mène dans votre maison, et je me croirai bien dédommagé de n’être plus citoyen de ma ré- publique, si vous me permettez de l’être quelquefois de la vôtre.
Comme il me paraît que nos messieurs mettent plus de pétulance que de sagesse dans leurs délibérations relative-
- M. de Vautra vers habitait les environs de la petite ville de Bienne, el
avait offert chez lui un asile à Rousseau. {Note de VÉdUeur.)