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LETTRE VIII

M. DE BUTTAFUOCO À J. J. ROUSSEAU.
Vescovado, le 11 avril 1765.

Je vous ai envoyé, monsieur, la réponse de M. Paoli ; il y a quelque temps que je vous ai adressé une de ses lettres qui vous invite à passer en Corse. Vous pourrez juger par l’une et par l’autre du désir qu’il a de vous voir dans ce pays. Quant à moi, je n’ai jamais rien souhaité avec plus de passion.

Je partage très-sincèrement, monsieur, toutes vos peines ; nous serons bien contents si nous pouvons contribuer à les adoucir. Puissiez-vous trouver dans notre île cette paix, cette tranquillité après laquelle vous soupirez ! Puissiez-vous y vivre heureux et assez longtemps pour voir la fin de nos travaux… assez longtemps pour donner de la célébrité à cette nation par vos écrits et vos conseils ! Vous trouverez parmi les Corses des cœurs sensibles, des âmes compatissantes qui souffriront de vous voir souffrir. J’estimerai ma patrie heureuse quand elle aura dans son sein le défenseur de l’humanité, l’ami des arts, des sciences, enfin l’ami de la vertu. L’asile qu’elle vous offre, tel que vous le désirez, l’honore vis-à-vis de la postérité autant que la constance avec laquelle elle a combattu pour la liberté : elle fera voir à vos persécuteurs que si nos mœurs sont