Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t1.djvu/117

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vomissant des matieres métalliques en fusion, aura donné aux observateurs l’idée d’imiter cette opération de la nature ; encore faut-il leur supposer bien du courage & de la prévoyance pour entreprendre un travail aussi pénible, & envisager d’aussi loin les avantages qu’ils en pouvoient retirer : ce qui ne convient gueres qu’à des esprits déjà plus exercés que ceux-ci ne le devoient être.

Quant à l’agriculture, le principe en fut connu long-tems avant que la pratique en fût établie ; & il n’est gueres possible que les hommes, sans cesse occupés à tirer leur subsistance des arbres & des plantes, n’eussent assez promptement l’idée des voies que la nature emploie pour la génération des végétaux ; mais leur industrie ne se tourna probablement que fort tard de ce côté-là, soit parce que les arbres qui, avec la chasse & la pêche fournissoient à leur nourriture, n’avoient pas besoin de leurs soins, soit faute de connoître l’usage du bled, soit faute d’instrumens pour le cultiver, soit faute de prévoyance pour le besoin à venir, soit enfin faute de moyens pour empêcher les autres de s’approprier le fruit de leur travail. Devenus plus industrieux, on peut croire qu’avec des pierres aigues & des bâtons pointus, ils commencerent par cultiver quelques légumes ou racines autour de leurs cabanes, long-tems avant de savoir préparer le bled, & d’avoir les instrumens nécessaires pour la culture en grand ; sans compter que pour se livrer à cette occupation & ensemencer des terres, il faut se résoudre à perdre d’abord quelque chose pour gagner beaucoup dans la suite ; précaution fort éloignée du tour d’esprit de l’homme sauvage, qui, comme je l’ai