Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t1.djvu/181

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créateur a établie sur les œuvres de ses mains ; nous voyons que les créatures inférieures à l’homme l’observent constamment & avec exactitude. Dans ces animaux qui vivent d’herbe, la société entre le mâle & la femelle ne dure pas plus long-tems que chaque acte de copulation, parce que les mamelles de la mere étant suffisantes pour nourrir les petits jusqu’à ce qu’ils soient capables de paître l’herbe, le mâle se contente d’engendrer, & il ne se mêle plus après cela de la femelle ni des petits, à la subsistance desquels il ne peut rien contribuer. Mais au regard des bêtes de proie, la société dure plus long-tems, à cause que, la mere ne pouvant pas bien pourvoir à sa subsistance propre & nourrir en même-tems ses petits par sa seule proie, qui est une voie de se nourrir & plus laborieuse & plus dangereuse que n’est celle de se nourrir d’herbe, l’assistance du mâle est tout-à-fait nécessaire pour le maintien de leur commune famille, si l’on peut user de ce terme ; laquelle jusqu’à ce qu’elle puisse aller chercher quelque proie ne sauroit subsister que par les soins du mâle & de la femelle. On remarque la même chose dans tous les oiseaux, si l’on excepte quelques oiseaux domestiques qui se trouvent dans des lieux où la continuelle abondance de nourriture exempte le mâle du soin de nourrir les petits ; on voit que pendant que les petits dans leur nid ont besoin d’alimens, le mâle & la femelle y en portent, jusqu’à ce que ces petits-là puissent voler & pourvoir à leur subsistance."

"Et en cela, à mon avis, consiste la principale, si ce n’est la seule raison pourquoi le mâle & la femelle dans le genre-humain sont obligés à une société plus longue que n’entretiennent les autres créatures. Cette raison est que la femme est capable de