Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t1.djvu/200

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n’eût jamais rien tiré de son systême qui pût combattre cette proposistion ; & il est clair que l’optimisme bien entendu, ne fait rien ni pour ni contre moi.

Aussi n’est-ce ni à Leibnitz ni à Pope que j’ai à répondre, mais à vous seul qui , sans distinguer le mal universel qu’ils nient, du mal particulier qu’ils ne nient pas, prétendez que c’est assez qu’une chose exile pour qu’il ne soit pas permis de desirer qu’elle existât autrement. Mais, Monsieur, si tout est bien comme il est, tout étoit bien comme il étoit avant qu’il y eût des Gouvernemens & des Loix ; il fut donc au-moins superflu de les établir, & Jean-Jaques alors, avec votre systême, eût eu beau jeu contre Philopolis. Si tout est bien comme il est, de la maniere que vous l’entendez, à quoi bon corriger nos vices, guérir nos maux, redresser nos erreurs ? Que servent nos Chaires, nos Tribunaux , nos Académies ? Pourquoi faire appeller un Médecin quand vous avez la fievre ? Que avez vous si le bien du plus grand tout que vous ne connoissez pas, n’exige point que vous ayez le transport, & si la santé des habitans de Saturne ou de Sirius ne souffriroient point du rétablissement de la vôtre ? Laissez aller tout comme il pourra, afin que tout aille toujours bien. Si tout est le mieux qu’il peut être, vous devez blâmer toute action quelconque ; car toute action produit nécessairement quelque changement dans l’état où sont les choses, au moment qu’elle se fait ; on ne peut donc toucher à rien sans mal faire, & le quiétisme le plus parfait est la seule vertu qui reste à l’homme. Enfin si tout est bien comme il est, il est bon qu’il y ait des Lapons, des Esquimaux , des