Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t1.djvu/236

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rien pour dépouiller les peuples de tous leurs droits & pour en revétir les rois avec tout l’art possible. C’eut bien été aussi le goût de Barbeyrac, qui dédioit sa traduction au Roi d’Angleterre Georges I. Mais malheureusement l’expulsion de Jacques II qu’il appelle abdication, le forçoit à se tenir sur la reserve, à gauchir à tergiverser pour ne pas faire de Guillaume un usurpateur. Si ces deux écrivains avoient adopté les vrais principes, toutes les difficultés étoient levées, & ils eussent été toujours conséquents ; mais ils auroient tristement dit la vérité & n’auroient fait leur cour qu’au peuple. Or la vérité ne mene point à la fortune, & le peuple ne donne ni ambassades, ni chaires, ni pensions.


CHAPITRE III.

Si la volonté générale peut errer.


Il s’ensuit de ce qui précede que la volonté générale est toujours droite & tend toujours à l’utilité publique : mais il ne s’ensuit pas que les déliberations du peuple aient toujours la même rectitude. On veut toujours son bien, mais on ne le voit pas toujours : Jamais on ne corrompt le peuple, mais souvent on le trompe, & c’est alors seulement qu’il paroit vouloir ce qui est mal.

Il y a souvent bien de la différence entre la volonté de tous & la volonté générale ; celle-ci ne regarde qu’à l’intérêt commun, l’autre regarde à l’intérêt privé, & n’est qu’une somme