Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t1.djvu/362

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sédons au même titre les terres que notre Dieu vainqueur s’est acquises [1]. C’étoit là, ce me semble, une parité bien reconnue entre les droits de Chamos & ceux du Dieu d’Israël.

Mais quand les Juifs, soumis aux Rois de Babilone & dans la suite aux Rois de Sirie, voulurent s’obstiner à ne reconnoître aucun autre Dieu que le leur, ce refus, regardé comme une rebellion contre le vainqueur, leur attira les persécutions qu’on lit dans leur histoire, & dont on ne voit aucun autre exemple avant le Christianisme [2].

Chaque Religion étant donc uniquement attachée aux loix de l’État qui la prescrivoit, il n’y avoit point d’autre maniere de convertir un peuple que de l’asservir, ni d’autres missionnaires que les conquérans, & l’obligation de changer de culte étant la loi des vaincus, il faloit commencer par vaincre avant d’en parler. Loin que les hommes combattissent pour les Dieux, c’étoient, comme dans Homere, les Dieux qui combattoient pour les hommes ; chacun demandoit au sien la victoire, & la payoit par de nouveaux autels. Les Romains avant de prendre une place, sommoient ses Dieux de l’a-

  1. (t) Nonne ea quæ possidet Chamos deus tuus tibi jure debentur ? Tel est le texte de la vulgate. Le P. de Carrieres a traduit. Ne croyez-vous pas avoir droit de posséder ce qui appartient à Chamos votre Dieu ? J’ignore la force du texte hébreu ; mais je vois que dans la vulgate Jephté reconnoit positivement le droit du Dieu Chamos, & que le Traducteur françois affoiblit cette reconnoissance par un selon vous qui n’est pas dans le Latin.
  2. (u) Il est de la derniere évidence que la guerre des Phociens appellée guerre sacrée n’étoit point une guerre de Religion. Elle avoit pour objet de punir des sacrileges & non de soumettre des mécréans.