Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t1.djvu/365

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maitre & législateur dans sa patrie. Il y a donc deux puissances, deux Souverains, en Angleterre & en Russie, tout comme ailleurs.

De tous les Auteurs Chrétiens le philosophe Hobbes est le seul qui ait bien vû le mal & le remede, qui ait osé proposer de réunir les deux têtes de l’aigle, & de tout ramener à l’unité politique, sans laquelle jamais État ni Gouvernement ne sera bien constitué. Mais il a dû voir que l’esprit dominateur du Christianisme étoit incompatible avec son systême, & que l’intérêt du Prêtre seroit toujours plus fort que celui de l’État. Ce n’est pas tant ce qu’il y a d’horrible & de faux dans sa politique, que ce qu’il y a de juste & de vrai qui l’a rendue odieuse [1].

Je crois qu’en développant sous ce point de vue les faits historiques on réfuteroit aisément les sentimens opposés de Bayle & de Warburton, dont l’un prétend que nulle Religion n’est utile au corps politique, & dont l’autre soutient au contraire que le Christianisme en est le plus ferme appui. On prouveroit au premier que jamais État ne fut fondé que la Religion ne lui servit de base, & au second que la loi Chrétienne est au fond plus nuisible qu’utile à la forte cons-

    communion des Églises. La communion & l’excommunication sont le pacte social du clergé, pacte avec lequel il sera toujours le maitre des peuples & des Rois. Tous les prêtres qui communiquent ensemble sont concitoyens, fussent-ils des deux bouts du monde. Cette invention est un chef-d’œuvre en politique. Il n’y avoit rien de semblable parmi les Prêtres payens ; aussi n’ont-ils jamais fait un corps de Clergé.

  1. (y) Voyez entre autres dans une Lettre de Grotius à son frere du 11. avril 1643, ce que ce savant homme approuve & ce qu’il blâme dans le livre de Cive. Il est vrai que, porté à l’indulgence, il paroit pardonner à l’auteur le bien en faveur du mal ; mais tout le monde n’est pas si clément.