Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t1.djvu/366

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

titution de l’État. Pour achever de me faire entendre, il ne faut que donner un peu plus de précision aux idées trop vagues de Religion rélatives à mon sujet.

La Religion considérée par rapport à la société, qui est ou générale ou particuliere, peut aussi se diviser en deux especes, savoir, la Religion de l’homme & celle du Citoyen. La premiere, sans Temples, sans autels, sans rites, bornée au culte purement intérieur du Dieu Suprême & aux devoirs éternels de la morale, est la pure & simple Religion de l’Évangile, le vrai Théïsme, & ce qu’on peut appeller le droit divin naturel. L’autre, inscritte dans un seul pays, lui donne ses Dieux, ses Patrons propres & tutelaires : elle a ses dogmes, ses rites, son culte extérieur prescrit par des loix ; hors la seule Nation qui la suit, tout est pour elle infidele, étranger, barbare ; elle n’étend les devoirs & les droits de l’homme qu’aussi loin que ses autels. Telles furent toutes les Religions des premiers peuples, auxquelles on peut donner le nom de droit divin civil ou positif.

Il y a une troisieme sorte de Religion plus bizarre, qui donnant aux hommes deux législations, deux chefs, deux patries, les soumet à des devoirs contradictoires & les empêche de pouvoir être à la fois dévots & Citoyens. Telle est la Religion des Lamas, telle est celle des Japonais, tel est le christianisme Romain. On peut appeller celui-ci la religion du Prêtre. Il en résulte une sorte du droit mixte & insociable qui n’a point de nom.

À considerer politiquement ces trois sortes de religions, elles ont toutes leurs défauts. La troisieme est si évidemment