Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t1.djvu/410

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bornes cet intérêt personnel, qui isole tellement les particuliers, que l’Etat s’affoiblit par leur puissance & n’a rien à espérer de leur bonne volonté. Par-tout où le peuple aime son pays, respecte les loix & vit simplement, il reste peu de chose à faire pour le rendre heureux ; & dans l’administration publique où la fortune a moins de part qu’au sort des particuliers, la sagesse est si près du bonheur que ces deux objets se confondent.

III. Ce n’est pas assez d’avoir des citoyens & de les protéger ; il faut encore songer à leur subsistance ; & pourvoir aux besoins publics est une suite évidente de la volonté générale, & le troisieme devoir essentiel du Gouvernement. Ce devoir n’est pas, comme on doit le sentir, de remplir les greniers des particuliers, & les dispenser du travail, mais de maintenir l’abondance tellement à leur portée, que pour l’acquérir le travail soit toujours nécessaire & ne soit jamais inutile. Il s’étend aussi à toutes les opérations qui regardent l’entretien du fisc, & les dépenses de l’administration publique. Ainsi, après avoir parlé de l’économie générale par rapport au gouvernement des personnes, il nous reste à la considérer par rapport à l’administration des biens.

Cette partie n’offre pas moins de difficultés à résoudre ni de contradictions à lever que la précédente. Il est certain que le droit de propriété est le plus sacré de tous les droits des citoyens, & plus important à certains égards que la liberté même ; soit parce qu’il tient de plus près à la conservation de la vie ; soit parce que les biens étant plus faciles à usurper & plus pénibles à défendre que la personne, on doit plus