Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t1.djvu/432

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de la société politique, sont toujours sujets à des conséquences dangereuses, s’ils ne sont établis avec l’exprès consentement du peuple ou de ses représentans. Il n’en est pas de même des droits sur les choses dont on peut s’interdire l’usage ; car alors le particulier n’étant point absolument contraint à payer, sa contribution peut passer pour volontaire ; de sorte que le consentement particulier de chacun des contribuans supplée au consentement général, & le suppose même en quelque manière : car pourquoi le peuple s’opposeroit-il à toute imposition qui ne tombe que sur quiconque veut bien la payer ? Il me paroît certain que tout ce qui n’est ni proscrit par les loix, ni contraire aux mœurs, & que le Gouvernement peut défendre, il peut le permettre moyennant un droit. Si, par exemple, le Gouvernement peut interdire l’usage des carrosses, il peut à plus forte raison imposer une taxe sur les carrosses, moyen sage & utile d’en blâmer l’usage sans le faire cesser. Alors on peut regarder la taxe comme une espece d’amende, dont le produit dédommage de l’abus qu’elle punit.

Quelqu’un m’objectera peut-être que ceux que Bodin appelle imposteurs, c’est-à-dire, ceux qui imposent ou imaginent les taxes, étant dans la classe des riches, n’auront garde d’épargner les autres à leurs propres dépens, & de se charger eux-mêmes pour soulager les pauvres. Mais il faut rejeter de pareilles idées. Si dans chaque nation ceux à qui le Souverain commet le gouvernement des peuples, en étoient les ennemis par état, ce ne seroit pas la peine de rechercher ce qu’ils doivent faire pour les rendre heureux.