Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t1.djvu/51

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nous y remarquons. En effet, il n’est pas concevable que ces premiers changemens, par quelque moyen qu’ils soient arrivés, aient altéré, tout à la fois & de la même maniere tous les individus de l’espece ; mais les uns s’étant perfectionnés ou détériorés, & ayant acquis diverses qualités, bonnes ou mauvaises, qui n’étoient point inhérentes à leur nature, les autres resterent plus long-tems dans leur état originel ; & telle fut parmi les hommes la premiere source de l’inégalité ; qu’il est plus aisé de démontrer ainsi en général que d’en assigner avec précision les véritables causes.

Que mes lecteurs ne s’imaginent donc pas que j’ose me flatter d’avoir vu ce qui me paroît si difficile à voir. J’ai commencé quelques raisonnemens : j’ai hazardé quelques conjectures, moins dans l’espoir de résoudre la question, que dans l’intention de l’éclaircir & de la réduire à son véritable état. D’autres pourront aisément aller plus loin dans la même route, sans qu’il soit facile à personne d’arriver au terme ; car ce n’est pas une légere entreprise de démêler ce qu’il y a d’originaire & d’artificiel dans la nature actuelle de l’homme, & de bien connoître un état qui n’existe plus, qui n’a peut-être point existé, qui probablement n’existera jamais, & dont il est pourtant nécessaire d’avoir des notions justes pour bien juger de notre état présent. Il faudroit